Fiche notion - Ville mondiale / Ville globale

, par Frédéric Viénot

Afin d’accompagner les professeurs dans l’enseignement de la géographie, en collège comme en lycée, les professeurs du groupe de travail académique "géographie" produisent des fiches.
Synthétiques, elles ne prétendent pas remplacer la lecture d’ouvrages universitaires, mais elles permettent en quelques minutes d’actualiser ses connaissances sur différents concepts, récurrents dans nos programmes.
Elles sont donc destinées aux professeurs et n’ont pas vocation à être transposées telles quelles en classe.

Vous trouverez en document joint la fiche-notion qui traite de "ville mondiale / ville globale", en deux formats. Vous pouvez également lire cette fiche ci-dessous.

Cette fiche peut être également reliée à celle qui concerne la métropole, publiée sur ce site.

Ville mondiale, ville globale

Ne disposant pas d’entrée spécifique dans des ouvrages comme ceux de Pierre George (Dictionnaire de la géographie, 2013) ou de Roger Brunet (Les mots de la géographie, Dictionnaire critique, 2005), les notions de ville globale et de ville mondiale ne rencontrent pas encore de définitions arrêtées dans les différents travaux de géographie dans lesquels elles sont employées.

Quelle est l’histoire de ces notions ?

On peut comprendre cette absence par le caractère récent de l’usage de ces termes dans le champ de la géographie. La notion de ville mondiale apparaît dans les travaux de l’historien français Fernand Braudel en 1985 (Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVème-XVIIIème siècles) lorsqu’il conceptualise l’idée de « ville-monde », carrefour où hommes, informations, marchandises et capitaux se concentrent dans le cadre d’un espace économiquement autonome qu’il nomme « économie-monde ». Néanmoins, la genèse de ces termes est ancrée dans l’univers anglo-américain. La notion de « ville mondiale » (World City) fut utilisée en 1982 par les urbanistes John Friedmann et Goetz Wolff. Quant à la terminologie « ville globale » est encore plus récente : elle est proposée pour la première fois par la sociologue Saskia Sassen en 1991 dans l’ouvrage The global City : New York, London, Tokyo. Les géographes ne s’emparent que tardivement de ces termes, dans les années 1990.

Quelle définition retenir ?

Dans de nombreux travaux, les deux notions sont confondues et les auteurs parlent alternativement de ville globale ou de ville mondiale sans distinction de sens ou de contenu. On peut les définir comme des métropoles mondiales de premier rang dont la puissance et le rayonnement inscrits au-delà de l’échelle nationale sont dynamisés par une intégration maximale au processus de mondialisation. Cette dernière contribue ainsi à stimuler des centralités existantes ou à en créer de nouvelles au sein d’un système constitué en réseau.

Plusieurs critères apparaissent nécessaires pour caractériser une ville mondiale : en plus d’une concentration importante de population, facteur absolument essentiel, il faut pouvoir décrire une accumulation de capitaux et de sièges sociaux d’entreprises transnationales mais aussi l’existence d’un secteur tertiaire supérieur surreprésenté (en particulier dans les services aux entreprises et en recherche et développement), une accessibilité de grande qualité grâce un réseau de transports diversifié et dense et une connexion renforcée par les réseaux de communication les plus performants. S’ajoutent à ces éléments primordiaux des infrastructures d’accueil de congrès, d’événements sportifs ou culturels d’envergure internationale renforçant l’attractivité de la métropole mondiale.
Ainsi, la ville mondiale ou globale se présente comme un pôle de commandement dans la mondialisation, d’abord et avant tout sur le plan économique, mais également comme une concentration impressionnante de fonctions stratégiques, de directionalité, de connectivité (position maîtresse au sein d’un réseau).

À l’origine, en 1991, Saskia Sassen avait limité à trois le nombre des villes répondant pleinement à la définition du terme de ville globale. Depuis, la sociologue a reconnu avoir accordé trop d’importance aux critères financiers (bourse, flux de capitaux...) au détriment des productions culturelles et des fonctions politiques. En conséquence, le cercle de ces métropoles de premier rang s’est élargi : des villes du Nord économique comme Paris, Francfort, Zurich, Amsterdam, Los Angeles, Sydney et Hong Kong entrent dorénavant dans le cadre de la définition, en compagnie de villes du Sud de plus en plus nombreuses : Shanghai, Mumbai, Bangkok, São Paulo... De multiples classements internationaux annuels informent sur la compétition féroce qui peut les opposer.

Quel territoire ? Quelles populations ?

À quelle échelle spatiale faut-il inscrire l’étude du terme « ville mondiale » ? Au-delà de la limite administrative et politique déterminée par le territoire de la ville-centre qui donne à l’ensemble une identité et une visibilité internationales (l’image de marque de villes comme Paris, New York ou Londres passe par l’existence de quelques monuments symboles ou par la hardiesse d’une architecture verticale, manifestation visible de la puissance), la ville mondiale s’inscrit plus largement à l’échelle de la métropole voire de la mégalopole (américaine, japonaise et européenne). En effet, des phénomènes de desserrement des activités, de spécialisation des quartiers élargissent le cadre territorial de la ville mondiale. New York (la ville mondiale par excellence ?) présente ainsi de nouvelles centralités dans les périphéries : Jersey City, où la finance représente 32% des emplois, constitue un des meilleurs exemples de ces edge cities (« ville-lisière ») qui démontre la nécessité d’envisager la ville mondiale aux échelles d’étude les plus larges.
Les caractères démographiques des villes mondiales ne peuvent se limiter à une seule approche quantitative et doivent également être décrites d’un point de vue qualitatif : ces ensembles urbains présentent des populations ethniquement diversifiées, résultat d’une attractivité planétaire. L’usage de 176 langues est enregistré dans les écoles new-yorkaises : le monde entier semble s’être donné rendez-vous dans les villes mondiales.
Pourtant, la logique qui conduit la mondialisation à dynamiser des espaces centraux telles les villes mondiales opère les mêmes processus de hiérarchisation au sein de la métropole mondiale elle-même : ainsi, l’on retrouve de manière exacerbée une fragmentation sociologique renforcée entre les acteurs « mondialisés » disposant d’un emploi qualifié et bien rémunéré et donc à même de choisir leur lieu de vie et « les autres » exclus de cette évolution, relégués territorialement : un processus de ségrégation socio-spatiale est donc à l’œuvre.

Distinguer la « ville mondiale » de la « ville globale » ?

La géographe Cynthia Ghorra-Gobin propose que ces deux notions ne soient pas confondues. Si la « ville mondiale » et la « ville globale » disposent toutes deux d’un positionnement stratégique dans les flux de communications, d’échanges et de transports et s’inscrivent dans des stratégies d’attractivité à l’échelle mondiale, leurs atouts ne sont pas identiques.
Le concept de « ville globale », sommet de la hiérarchie des métropoles de la planète, correspond avant tout à l’insertion dans les flux financiers et au rôle moteur dans le commandement d’une économie globalisée. Il répond avant tout à une approche des chercheurs anglo-américains qui furent les premiers à rendre compte du lien entre la globalisation de l’économie et les mutations urbaines consécutives à cette nouvelle étape de l’histoire du capitalisme ; ainsi, aux États-Unis, Miami, Los Angeles, Chicago et Phoenix seraient des villes globales au même titre que New York.
La « ville mondiale » gagne ce statut principalement en raison de son passé historique, de son patrimoine architectural, de son influence culturelle et de son attractivité touristique. En d’autres termes, cette distinction permet de ne pas limiter les effets de la mondialisation au seul critère économique et d’intégrer à la réflexion une attractivité fruit d’un héritage historique.
Ainsi, Venise est définie par C. Ghorra-Gobin comme une ville mondiale en raison de la célébrité planétaire qui la caractérise. Mexico, Berlin et Kyoto disposent d’un patrimoine et d’une histoire qui les hissent également à ce rang. En raison de leur histoire et de leur place actuelle dans l’économie mondiale, des villes comme Londres et Paris bénéficieraient du double statut.

Pour aller plus loin...

GHORRA-GOBIN C., « Ville globale », Dictionnaire critique de la mondialisation, A.COLIN, 2012.

LEVY J., LUSSAUT M., « Ville mondiale », Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, BELIN, 2003.

Les Villes mondiales en compétition ?, La Documentation française, 2014,
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000550-les-villes-mondiales-en-competition

BRETAGNOLLE A., LE GOIX R., VACCHIANI-MARCUZZO C., Métropoles et mondialisation, Documentation photographique (N°8082), 2011.

Les Villes mondiales, Coll. Questions internationales, n°60, La Documentation française, mars-avril 2013.

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)