Initier les élèves à l’enquête historique en classe de Première

, par Jean-Philippe Voron

Que sait-on de l’expérience combattante des soldats de la Première Guerre mondiale ?
À la recherche d’un nouvel équilibre documentaire

Cet article est issu d’un mémoire de recherche (« Archéologie et enquête historique. Pour un nouveau compromis documentaire ») réalisé dans le cadre du Master 2 « didactique de l’Histoire-Géographie », proposé par l’Université Paris VII et intégré au Plan Académique de Formation.

« L’histoire se fait avec des documents écrits, sans doute. Quand il y en a. Mais elle peut se faire, elle doit se faire sans documents écrits s’il n’en existe point. Avec tout ce que l’ingéniosité de l’historien peut lui permettre d’utiliser pour fabriquer son miel, à défaut des fleurs usuelles. Donc avec des mots. Des signes. Des paysages et des tuiles. Des formes de champs et de mauvaises herbes. Des éclipses de lune et des colliers d’attelage. Des expertises de pierres par des géologues et des analyses d’épées en métal par des chimistes ». Ces réflexions de Lucien Febvre rappellent un aspect fondamental de notre discipline : l’histoire est une connaissance par traces. De même, dans la forme scolaire que nous mettons en pratique tous les jours, l’accès au savoir historique se fait par le biais de documents, rigoureusement sélectionnés et raffinés par les professeurs ou les auteurs de manuels. Néanmoins, on peut aisément constater que dans la plupart des cas, l’essentiel de la documentation que nous proposons aux élèves - toutes époques confondues – est majoritairement constituée de textes. Sans nier leur valeur et leur utilité, je voudrais montrer, à travers cette expérience menée en classe de Première ES, que l’introduction de quelques documents archéologiques dans un dossier d’étude peut permettre aux élèves d’accéder à une perception à la fois plus scientifique et plus sensible du Premier conflit mondial.

Le contexte actuel semble plus favorable à une diversification des documents. La reconnaissance et l’essor de l’archéologie préventive depuis une vingtaine d’année ont permis de multiplier les découvertes ; l’Institut National de Recherche et d’Archéologie Préventive (INRAP) s’efforce de faire connaître les résultats de ses investigations, via son site Internet (www.inrap.fr) ou en participant à la conception d’expositions (par exemple, Quoi de neuf au Moyen Age ?). De l’Antiquité aux guerres mondiales, toutes les périodes bénéficient de cet afflux documentaire qui modifie parfois notablement les perspectives.

Les programmes scolaires semblent avoir intégré cette évolution et encouragent de plus en plus clairement les professeurs à intégrer des documents archéologiques dans leurs dossiers ; cela est particulièrement sensible dans les programmes de collège mis en œuvre depuis 2016. Pour chaque période et pour chaque question, il convient de trouver un équilibre judicieux, en gardant à l’esprit les caractéristiques propres à chaque type de document. S’il n’est pas souhaitable d’étudier un thème uniquement à partir de textes, il est également périlleux de proposer une documentation strictement archéologique, car les traces matérielles sont souvent difficiles à interpréter sans étayage. La valeur documentaire distingue les deux grands types de sources : les documents matériels constituent, au prix d’une contextualisation complexe, des témoignages directs (la falsification des sites ou des objets archéologiques est rarissime), tandis que les textes nécessitent une vigilance critique permanente en raison de leur rareté (pour certaines époques) ou des manipulations et trahisons multiples dont ils ont potentiellement fait l’objet. Toutefois, il convient de ne pas verser dans un scientisme archéologique ; les archives du sol n’apportent pas de réponse à toutes les questions et les textes sont souvent irremplaçables.

Ainsi, dans une approche équilibrée, il faut se soucier de la complémentarité du couple documentaire. Je propose le tableau ci-dessous pour condenser les caractéristiques scientifiques et pédagogiques des différents types de sources.

Texte Document archéologique
Type d’expérience historienne - Entrée narrative dans le passé - Entrée matérielle dans le passé
Atouts - Facilité et séduction du récit

- Contact avec les mots et l’imaginaire d’une époque
- Statut de preuve irréfutable

- Contact avec les techniques, l’environnement paysager ou architectural d’une époque
Inconvénients - Influe fortement sur la perception et les écrits des élèves - Difficile à « faire parler » sans étayage textuel

Vous trouverez ci-dessous la description de l’expérience, une fiche d’analyse du dispositif expérimenté et deux documents supports de classe :

 Description du dispositif
 Analyse du dispositif à partir des travaux des élèves
 Corpus documentaire élève
 Fiche enquête élève

Voir en ligne : M2 Recherche - Didactique des disciplines - Didactique de l’histoire-géographie

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