Enseigner à l’étranger : comment adapter les programmes officiels ?

, par Guillaume CABIOC’H

Un exemple en géographie, première ES, avec le lycée français de Bali.

Après avoir été en poste plusieurs années dans un collège des Yvelines, j’enseigne l’histoire, la géographie et l’EMC au Lycée Français de Bali depuis le mois de septembre 2018. Dans cet article, je vous propose une séance de géographie de Première ES, portant sur la première étude de cas du programme.

Le lycée français de Bali

Le lycée français est partenaire du grand réseau des établissements de l’étranger piloté par l’AEFE . L’école Française Internationale de Bali a été créée en 1995 par un groupe de parents d’élèves et fut homologué en 1998. Cet établissement n’a cessé de croître pour devenir en 2015 le lycée français international Louis Antoine de Bougainville. Le collège fut homologué en 2005 et le lycée en 2013. L’établissement a le statut de lycée diplomatique sous couvert de l’Ambassade de France à Jakarta, capitale de l’Indonésie. Il scolarise aujourd’hui 349 élèves dont 194 dans les 10 classes du primaire. Les élèves suivent cette scolarité de la toute petite section jusqu’au baccalauréat.

Comment aborder l’étude cas sur les territoires de proximité ?

En première ES, le premier chapitre du programme de géographie invite à travailler sur les territoires de proximité en s’appuyant sur un aménagement proche du lycée. La difficulté réside ainsi pour chaque collègue enseignant hors de France à trouver un aménagement proche et dépendant des politiques des collectivités territoriales françaises. Impossible dans de nombreux cas … Il s’agit alors d’élargir ce sujet en se questionnant sur la présence française à l’étranger et sur les acteurs de son développement. S’il est difficile de trouver un aménagement adjacent ou proche, il existe néanmoins un élément incontournable dans ce questionnement : le lycée lui-même ! Peut ainsi démarrer la construction d’une étude de cas unique, permettant, soit dit en passant, de devenir expert des étapes du développement de l’établissement.

Les élèves du Lycée Français de Bali sont issus d’horizons extrêmement divers tant par leurs origines géographiques que par leurs origines sociales. Nombre d’entre eux sont saisonniers, c’est-à-dire que leur scolarité est partagée sur une année entre plusieurs pays. La présence d’une institution française à quelques 12 000 kilomètres du territoire métropolitain est de facto un liant pour eux, un repère quotidien où sont rappelées tant les exigences du système éducatif français que les valeurs de notre École républicaine.

L’étude des territoires de proximité ayant pour but de décrypter l’organisation des espaces dans lesquels les élèves vivent, afin de leur permettre de prendre conscience des acteurs et des débats qui s’y inscrivent, il a alors fallu trouver suffisamment de sources pour créer un corpus de documents fiable et répondant à ces attentes.

La difficulté majeure rencontrée dans la mise en œuvre de cette étude de cas fut la suivante : mettre en lumière les débats entre acteurs. En effet, un lycée français naît d’une impulsion commune et d’un consensus entre les acteurs français d’une part, mais surtout entre les acteurs locaux ; et relève, enfin, d’un accord entre acteurs locaux et acteurs français. Les sources permettant d’évoquer les conflits d’acteurs étaient introuvables. Il fallait ainsi prévoir que le professeur, de façon orale et transmissive, puisse expliciter les enjeux propres à la création d’un établissement français sur un sol étranger, afin de rendre palpable la présence de discussions et de débats. C’était sans compter la présence d’un dernier groupe d’acteurs : les élèves.

Les élèves et leur lycée

La réaction des lycéens fut très intéressante à la lecture du corpus : ces derniers ont pointé une différence importante entre les éléments présents dans le corpus et la réalité du terrain, en termes de développement, de calendrier, ou d’équipement. Ils ont pointé dans plusieurs documents une communication efficace mais pas forcément représentative de l’aménagement qu’ils fréquentent chaque jour. Quoi de mieux que de les voir lire avec attention et vigilance le corpus ; de les observer en chercher les faiblesses ; de les entendre formuler des désaccords, argumentés et illustrés d’exemples concrets ? Une question est rapidement surgie dans cette classe de 1ère : « Pourquoi, nous, élèves, alors que nous sommes directement concernés par les aménagements du LFB ne sommes pas consultés lors des grands projets ? ». Ce à quoi j’ai pu leur répondre que le CVL et les élus du CA avaient pu prendre part aux échanges et en cela communiquer un avis. Non. Ce qui était demandé, c’était une consultation de tous les élèves du secondaire et non pas des décisions descendantes.

Conclusion

Cette étude de cas qui, lorsque je l’avais préparée de France me paraissait un peu artificielle, s’est avérée d’une redoutable efficacité dans l’appréhension des questions de l’aménagement des territoires. En effet, en partant de cet établissement qu’ils connaissent bien, les élèves se sont immédiatement appropriés les documents disponibles et ont pu mettre le doigt sur des problématiques propres à tous les aménagements d’envergure : comment se mettre d’accord sur un lieu ? Pourquoi y a-t-il plusieurs acteurs ? Quels sont les enjeux d’un aménagement ? Comment satisfaire une majorité d’acteurs ? Quelle est la place des bénéficiaires de l’aménagement dans le processus décisionnel ? et de nombreux autres questionnements donnant lieu à un échange aussi riche que constructif.

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