Le stopmotion : un outil pour travailler le récit en histoire

, par Aurore Maciejczack

Le contexte

En troisième, dans le cadre du chapitre "Un monde bipolaire au temps de la guerre froide", nous avons étudié l’exemple de Berlin. Nous étions en plein confinement, juste avant les vacances de printemps. Le moral des élèves était au plus bas, la motivation aussi. Un élève venait en classe virtuelle avec ses petits frères et sœurs qui écoutaient le cours, répondaient au kahoot avec lui. Les situations familiales étaient complexes, beaucoup devaient à la fois travailler et occuper les plus petits de la maison. J’ai donc eu l’idée de transformer un projet d’AP en projet familial pour des vacances confinées. J’ai proposé à mes élèves de raconter l’histoire de Berlin au cœur de la guerre froide avec leur famille et leurs jouets sous la forme d’un stopmotion. Pour ceux qui n’y arrivaient pas pour des raisons techniques, ils pouvaient raconter cette histoire sous forme de frise chronologique illustrée. Au retour des vacances, nous nous sommes retrouvés autour d’un festival de stopmotions et frises chronologiques illustrées projetées dans la classe virtuelle en présence de l’équipe de direction du collège. Ma principale et mon principal adjoint sont ainsi devenus le jury de ce petit festival en classe virtuelle et ont attribué des césars aux élèves.

Le récit, mise au point scientifique et didactique

Pour Paul Ricoeur, le récit est une « mise en intrigue » qui transforme une diversité d’événements ou de situations en une histoire unifiée, une « totalité signifiante », une « synthèse de l’hétérogène » de laquelle surgit une intelligibilité, une logique, une « force explicative ». Depuis Temps et Récit, les historiens revendiquent le récit comme modalité d’écriture de l’histoire car il a le pouvoir de « refigurer » le temps.
Pour Antoine Prost, la mise en intrigue commence avec le découpage de l’objet, l’identification d’un début et d’une fin. Elle porte sur des acteurs et des épisodes. Cette narration entraîne l’explication. L’histoire raconte et c’est en racontant qu’elle explique.
Ce sont ces deux compétences que les élèves travaillent en histoire tout au long du cycle 3 et 4 : raconter et expliquer. Le récit historique est au cœur de nos pratiques. Tout au long de leur scolarité les élèves découvrent le récit à travers le récit du professeur en classe et la production personnelle ou collaborative de récits dans le cadre de la mise en activité de l’élève. Le récit du professeur permet d’incarner l’histoire, de donner « de la chair aux mots » (Antoine Prost). Le récit produit par l’élève l’aide à penser, à ordonner et formuler de manière exacte les éléments qu’il souhaite énoncer, il permet de donner du sens à l’événement. Produire des récits est formateur et structurant pour l’élève.

Les consignes

Pour produire ce récit, les consignes reprennent les grandes caractéristiques du récit étudiées depuis le début de la sixième et approfondies depuis le début de l’année de troisième.
Le travail sur les sources historiques est préalable. Il est réalisé par les élèves à partir des documents de leur manuel et de plusieurs vidéos disponibles sur Lumni. Ces vidéos sont très importantes car elles vont aider l’élève dans la construction de leur stopmotion, elles lui permettent de se familiariser avec les images de cette époque.
Les verbes RACONTER et EXPLIQUER sont mis en avant. Les élèves ont appris à les identifier et savent associer plusieurs éléments indispensables à la construction du récit historique. Dates, acteurs, identification des causes, des conséquences, lexique historique, localisations. En fin d’année de troisième, ce sont des acquis. Les élèves ont pris l’habitude d’interroger les grandes questions du QQOQCP pour la construction de leurs récits : qui ? quand ? où ? quoi ? comment ? pourquoi ? En cas de besoin, ils peuvent se reporter à la fiche méthode qui reprend ces verbes de consigne et les éléments essentiels à cette narration si particulière qu’est le récit historique.

Le stopmotion, un outil stimulant

Si les caractéristiques du récit sont inchangées, l’outil, lui, est attractif pour les élèves et en particulier dans le contexte du confinement. Il favorise les échanges, la créativité, et invite à retravailler le récit pour l’adapter aux contraintes du stopmotion. Il enrichit la narration et amène l’élève à mieux observer les images, mieux réfléchir à la mise en mots, au choix des acteurs, des décors, à l’enchaînement et à l’explication des faits pour raconter et expliquer. En un mot, il est ludique et cette caractéristique favorise l’engagement de l’élève dans l’activité d’écriture. Enfin, pour beaucoup d’élèves le stopmotion est un retour aux sources : ils retrouvent leurs jouets, leurs éléments de construction et les associent à des savoirs historiques. Le stopmotion est donc aussi un moyen de varier les supports d’apprentissage, il permet aux élèves de s’approprier les événements et d’ancrer les grands éléments de cette période dans leur mémoire durablement : la manipulation de leurs jouets pour raconter et expliquer favorise la mémorisation durable ; la projection de leur stopmotion devant la classe et l’équipe de direction ainsi que le visionnage des autres stopmotions facilitent aussi cette mémorisation.

Stopmotions réalisés par les élèves sous licence CC

 

 

 

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