La série "dans la classe !" a été élaborée par le groupe de travail "collège".
Le constat
La nécessité de croiser les disciplines. En tant qu’enseignants, nous faisons tous le même constat : nos élèves compartimentent leurs apprentissages. Ce que nous construisons en géographie ne fait pas toujours sens pour eux dans le cadre d’un raisonnement mathématique, et inversement. Par ailleurs, le travail sur l’abstraction ou la représentation – qu’il s’agisse de lire une carte ou de construire un graphique – reste souvent théorique en classe. Enfin, dans un contexte où la motivation scolaire peut s’éroder à l’adolescence, il est essentiel de replacer les savoirs dans une réalité observable, vécue.
Ma pratique
Avec mon collègue de mathématiques nous avons répondu à l’appel d’offre déposé sur ADAGE intitulé : « Le secret des cartes ». Il s’agissait de se rendre à Paris pour réaliser deux ateliers :
- le matin : au Musée des Plans et Reliefs aux Invalides
- l’après-midi : au Musée Poincaré (la Maison des Mathématiques)
Cette sortie a été pensée comme un prolongement concret de nos enseignements, à la fois sur le plan disciplinaire et citoyen.
Nos objectifs :
- Décloisonner les apprentissages et ancrer les savoirs dans le réel.
- Montrer la complémentarité entre disciplines, notamment sur des compétences comme la représentation spatiale, l’analyse d’un réseau ou la modélisation.
- Faire vivre la géographie et les mathématiques dans un contexte réel, en confrontant les élèves à des objets concrets, hors du cadre scolaire.
- Donner du sens aux apprentissages méthodologiques, en rendant visibles les enjeux des démarches qu’on leur demande de maîtriser : faire un croquis, comprendre un graphe, lire une carte.
Par Vanessa Zerjav, membre du GT collège
En visite
Une géographie vécue dans le réel urbain
Dès le trajet en RER, nous avons initié un travail d’observation active. Un dialogue a été instauré avec les élèves à mesure que nous traversions l’espace francilien :
- Quels paysages voit-on ?
- Quels types d’habitats dominent ?
- Comment évolue la densité ?
Ce temps a permis de repérer, de manière tangible, la couronne périurbaine, la banlieue et la ville-centre. Ce travail a ensuite été reformulé en classe, notamment à travers un jeu de type memory associant photographies, noms des espaces urbains et caractéristiques de ces espaces. Cette reprise a consolidé les acquis du jour et permis de faire le lien avec les attendus du programme.
L’activité au Musée des Plans et Reliefs : une cartographie vivante
Au Musée des Plans et Reliefs, dans l’enceinte des Invalides, l’activité proposée liait les compétences en cartographie, essentielles en géographie, à une démarche mathématique de représentation spatiale. À partir de maquettes historiques commandées par Louis XIV à Vauban, dans une salle volontairement plongée dans la pénombre pour préserver les oeuvres, les élèves ont dû réaliser un croquis à main levée en respectant les codes cartographiques. Il leur a fallu passer d’une vision en trois dimensions à une représentation en deux dimensions — autrement dit, exercer leur esprit géométrique, leur rigueur, leur capacité d’abstraction. Crayons de couleur et lampes de poche en main, ils ont produit des croquis rigoureux, souvent très soignés.
Ce travail a mobilisé des compétences transversales et a aussi permis de donner du sens à nos exigences méthodologiques : pourquoi apprend-on à faire un croquis ? À quoi servent les codes de la cartographie ? Ce jour-là, ces questions ont trouvé des réponses concrètes.
Les mathématiques vivantes à la Maison Poincaré
La visite s’est poursuivie à la Maison Poincaré, maison des mathématiques, située dans le Vème arrondissement. Loin de l’image parfois figée de cette discipline, les élèves ont découvert les maths comme un outil pour comprendre le monde : fractales et littoraux, géolocalisation, fabrication de cartes selon les usages. L’après-midi, à la Maison Poincaré : maison des mathématiques, située dans le Ve arrondissement, les mathématiques se sont révélées ancrées dans le réel :
- L’un des groupes a découvert le musée à travers des exemples concrets : fractales et littoraux, géolocalisation, ou encore la fabrication et les usages des cartes.
- L’autre groupe a travaillé sur la théorie des graphes, en résolvant le théorème des quatre couleurs ou en explorant le célèbre problème des ponts de Königsberg, prolongé par des réflexions sur les lignes de métro ou les réseaux de télécommunication.
Là encore, les ponts avec la géographie ont été nombreux et naturels. L’initiation à la théorie des graphes a été l’occasion d’aborder des problématiques contemporaines : comment optimiser un réseau ? Quelles sont les limites de la modélisation cartographique ?
Ici encore, les maths et la géographie se sont répondus, dans une perspective commune : modéliser l’espace, le représenter, le comprendre.
Les plus-values
Un engagement remarquable des élèves, des effets durables
Ce qui a également marqué cette sortie, c’est l’attitude des élèves.
- Aucun problème de discipline, un engagement constant, une attention réelle pendant les activités.
- Lors de notre voyage à Prague en avril, certains élèves ont même reconnu des similitudes entre la citadelle de Terezin et les cités fortifiées de Vauban qu’ils avaient découvertes aux Invalides.
- En classe, ils ont réinvesti les apports sur les réseaux et la structure spatiale lors du chapitre sur l’aménagement du territoire.
- Certains élèves ont choisi de présenter cette sortie pédagogique lors de l’oral du DNB.
- Un article a été rédigé sur le site du collège pour mettre en valeur la sortie et le travail des élèves.
Autrement dit, cette sortie a laissé une trace. Elle a produit du savoir durable et suscité une forme de fierté chez les élèves d’avoir su mobiliser plusieurs disciplines en contexte.
Organiser une sortie pluridisciplinaire, c’est accepter de sortir des cadres, mais c’est surtout offrir aux élèves une expérience structurante, exigeante, cohérente avec les enjeux de nos disciplines. Dans ce cadre, elle ne remplace pas le cours : elle en est le prolongement naturel et le révélateur. Il en résulte une dynamique de classe renouvelée et un apprentissage renforcé.