La série "dans la classe !" a été élaborée par le groupe de travail "collège".
Les constats
- Les élèves ont tendance à se lancer dans l’écriture du développement construit sans avoir pris le temps de réfléchir et de poser préalablement leurs idées.
- Il en résulte bien souvent des textes écrits au fil de la pensée avec des retours en arrière, des répétitions, de la paraphrase, des ratures/astérisques/flèches, des hors sujet, des confusions mais aussi des oublis...
- Les élèves ne se rendent pas compte que le brouillon est un « écrit pour penser » et qu’il a plusieurs fonctions : poser ses idées, délimiter le sujet, organiser ses idées, préparer un écrit ou un oral.
Notre pratique
Il est nécessaire d’enseigner aux élèves à travailler au brouillon. Cela nécessite d’une part de leur apprendre à faire un brouillon et d’autre part de leur en prouver l’utilité, la pertinence.
Nous avons tout d’abord choisi de lever un certain nombre d’obstacles afin d’automatiser le recours au brouillon :
- Mettre à disposition des élèves des feuilles de brouillon à profusion.
- Utiliser le verso de feuilles déjà imprimées : travailler sur une feuille déjà utilisée aide les élèves à entrer dans le brouillon : cela ne peut pas être une production finale.
- Mettre à disposition de dictionnaires, feutres, crayons de couleurs et crayons à papier.
Il est primordial de leur faire prendre conscience de l’importance et de l’utilité de l’erreur dans cette phase de réflexion. Nous imposons la production systématique d’un brouillon avant de passer à la production finale. Afin de donner davantage de valeur à ce travail, nous ramassons le brouillon et la production finale, au moins sur les premiers travaux. Nous veillons à commenter le brouillon afin de lui accorder le même statut qu’au développement construit associé.
Sur le verso du sujet d’évaluation, figure un tableau qui les invite à classer les idées utiles pour répondre au sujet et d’y associer une « preuve », sous forme de mots-clés. Ils ne sont pas bloqués par l’organisation des idées dans un plan, puisque celui-ci est indiqué, chaque colonne correspondant à une partie. Ils sont moins stressés car ils ne se focalisent que sur la partie sélection des idées et exemples, et non sur la rédaction formelle du développement.
Progressivement, au fil des évaluations, les élèves doivent concevoir leur propre plan en donnant un titre à leurs colonnes, puis ils rédigent une partie, celle de leur choix, puis deux parties et enfin le développement complet. Ils peuvent continuer à utiliser le format tableau pour classer leurs idées ou une autre forme de brouillon qu’ils se sont approprié au fur et à mesure de l’année : codes couleurs, schémas, annotations... Les élèves rendent toujours leurs brouillons avec leurs copies, je continue à les commenter, pour leur donner une valeur. L’objectif est de tenter de leur montrer l’intérêt d’une construction visuelle, plus ou moins formalisée et soignée, qu’ils peuvent s’approprier et adapter à leurs besoins.
Tout au long de l’année, je travaille chaque introduction de chapitre de la même manière, en insistant sur sa fonction :
- présenter un sujet et ses notions clés,
- cerner le sujet dans le temps et dans l’espace.
Cela peut prendre la forme d’une check-list : « Accroche-Analyse du sujet-Bornes chronologiques et/ou spatiales ». Lors des évaluations, quand les élèves sont à l’aise avec l’élaboration du plan, ils peuvent préparer la check-list de cette introduction, qui finalement reprend leur réflexion sur les mots clés de démarrage, voir se confond avec cette réflexion : leur brouillon n’est pas un temps perdu, mais un outil pour les aider. Progressivement, je leur demande de rédiger de rapides introductions qui reprennent le même rythme.
Je leur présente l’ensemble comme un menu, le brouillon étant la liste des ingrédients à cuisiner pour élaborer une entrée (l’introduction, rapide, elle ne doit pas rassasier), un plat (le développement, consistant) et un dessert (la conclusion).
La consultation de la grille dédiée au développement construit leur permet de vérifier la présence des informations nécessaires à la rédaction (dates, acteurs, lieux...), de réfléchir aux temps utilisés, etc. Il y a donc un va-et-vient entre les deux grilles.
À chaque session de travail, les élèves doivent rendre le brouillon et le développement construit. Une fois acquis le travail au brouillon, je ne ramasse plus que le développement construit et la grille. Cela permet d’introduire une différenciation entre les élèves, selon leur avancée dans la compétence.
Le suivi de l’acquisition de la méthode se fait par les colonnes numérotées de 1 à 9. J’évalue les premiers exercices, mais rapidement les élèves peuvent s’auto-évaluer. L’outil permet également de voir quels items sont plus difficiles à s’approprier par les élèves et ainsi de pouvoir mobiliser des outils de remédiation adaptés aux difficultés des uns et des autres.
Les plus-values
- S’approprier rapidement le brouillon : avec les outils proposés (tableaux, grilles, schémas, listes ou cartes mentales), les élèves comprennent mieux son utilité et l’intègrent plus facilement à leur pratique.
- Structurer ses idées : le brouillon permet d’écrire, organiser et hiérarchiser ses idées avant de rédiger plutôt que d’écrire au fil de sa pensée.
- Clarifier et affiner : il aide à éviter répétitions, digressions et oublis pour un texte précis et cohérent grâce à la planification.
- Rédiger efficacement : avec un plan préparé, l’écriture devient fluide, lisible et convaincante, sans ratures ni improvisations.
Ce que dit la recherche
- Un article de l’académie de Lille, « Travailler le brouillon pour écrire un texte long en classe de Troisième », 2020, par Natalie MALABRE, IA-IPR, Véronique CLABAUX COQUART, enseignante
- La fiche éduscol, « Recourir à l’écriture pour réfléchir et pour apprendre : les écrits de travail », en français cycle 3.
- Karine Risselin et Elsa Costero, « Les gestes du brouillon », dans Cahiers Pédagogiques, n°515, 2014.
- Dominique Bucheton, Refonder l’enseignement de l’écriture, Retz, 2014 : « Le processus de réécriture est un processus dynamique [...] qui déclenche et facilite le développement et l’incorporation des savoirs enseignés » (extrait)
- Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton, « Les « écrits intermédiaires » pour penser, apprendre et se construire », Québec français, 2008, 60–62
- Halina Przesmycki, La pédagogie différenciée, Hachette éducation, 2004
D’autres pistes pour aller plus loin
- Un article de la rubrique « Dans la classe ! » sur Strabon « Comment faire de l’erreur un levier d’apprentissage » par Sabine Girod.
Se former
Parcours 3 "Pratiquer différentes langages"
Parcours 4 "Répondre à l’hétérogénéité par les gestes professionnels"


