Fiche notion - La région

, par Florence Mury

Afin d’accompagner les professeurs dans l’enseignement de la géographie, en collège comme en lycée, les professeurs du groupe de travail académique "géographie" produisent des fiches.
Synthétiques, elles ne prétendent pas remplacer la lecture d’ouvrages universitaires, mais elles permettent en quelques minutes d’actualiser ses connaissances sur différents concepts, récurrents dans nos programmes.
Elles sont donc destinées aux professeurs et n’ont pas vocation à être transposées telles quelles en classe.

Vous trouverez en document joint la fiche-notion qui traite de la région en France, en deux formats. Vous pouvez également lire cette fiche ci-dessous.

La région

Une notion polysémique

Définir « la région » en géographie c’est se heurter immédiatement à la grande polysémie de ce terme. La région est toujours une portion d’espace, que l’on utilise pour localiser. Cependant il existe bien des manières de découper le monde en régions, de le régionaliser.
La notion recouvre en effet au moins quatre grands types de réalité, qui nous font remonter jusqu’aux origines vidaliennes de la géographie universitaire française.

La région selon les géographes
La région a d’abord été un espace homogène, un niveau d’observation dans lequel les géographes étudiaient la relation entre le milieu et les sociétés humaines. La régionalisation consistait dès lors à identifier des grandes caractéristiques dites « naturelles » propres à un espace qui pouvaient influer sur les modes de vie de ses habitants. Cette manière de découper le monde a quasiment disparu des programmes de géographie du secondaire, en même temps que la géographie physique.
De fait, ce pavage montre vite ses limites : il convient essentiellement aux espaces de campagne qui ont peu évolué et ne permet pas de rendre compte des espaces où le milieu joue moins que l’influence des villes : à la région naturelle, s’ajoute donc les régions polarisées, qui s’organisent autour de grandes villes (régions urbaines) ou de grands centres de production (régions économiques).

Ce second type de région permet de penser les relations de dépendance entre centres et périphéries, ou entre unités de production localisées. Les aires urbaines et les systèmes productifs en sont de bons exemples.
Cependant, dans les années 1960-1970, le géographe Armand Frémont donne un nouveau sens à la notion de région, renvoyant dos à dos la région naturelle homogène et la région polarisée. Selon lui, la région n’existe que dans l’esprit de ceux qui y habitent, et se l’approprient. La région est un « espace vécu », ce que nous appellerions aujourd’hui plus volontiers un « territoire ».

La région créée par l’Etat
Parallèlement, à partir des années 1960, une nouvelle acception du mot « région » se développe en France, non plus sous l’égide des géographes mais à l’initiative de l’Etat qui régionalise le territoire national, créant tout d’abord les régions de programmes puis un nouvel échelon administratif qu’il dote de compétences propres. Cette nouvelle régionalisation, visant à créer un territoire d’action publique décentralisé, présente moins d’équivoque : elle correspond à un maillage complet du territoire, sans chevauchement possible. L’intégration européenne renforce encore la pertinence de ce maillage : la région administrative devient un territoire d’action éligible aux aides du FEDER.

Une notion multiscalaire
Jusqu’ici les différentes acceptions de la notion de région, en dépit de leur diversité croissante, présentaient au moins un point commun : elles renvoyaient à une échelle géographique intermédiaire située entre le niveau national et le local. Cette unité scalaire est également remise en cause pas l’utilisation de plus en plus courante en géographie économique et en géopolitique de la notion de région ou de macro-région pour désigner des espaces multinationaux qu’ils soient en conflit, comme au Proche-Orient, ou qu’ils s’associent au sein d’unions (monétaires, politiques, …) comme l’Union Européenne ou le MERCOSUR.
Même pour la région administrative, l’échelle retenue varie fortement d’un pays à l’autre. Au sein de l’Union Européenne, la taille des régions varie entre les différents pays. Cette hétérogénéité des maillages pose des problèmes statistiques. Face à ces difficultés, l’Union Européenne a créé un nouveau découpage territorial qui vient se superposer aux régions déjà existantes (les NUTS).

Faut-il renoncer aux différents sens du mot région ?
A l’exception de la région homogène ou naturelle, les programmes du secondaire permettent aux élèves d’explorer toutes les acceptions du mot « région » ainsi que ses différentes échelles . Polysémique et multiscalaire, la région est cependant accusée de manquer de lisibilité, de favoriser les confusions. Au point que les géographes auteurs des principaux dictionnaires de la discipline proposent d’y renoncer après avoir consacré de longs développements à la notion dans leurs ouvrages (Lévy, Lussault, 2003 ; Brunet, 1992). R. Brunet exige ainsi que ce mot soit réservé à la seule région administrative, la plus évidente et la moins variable. Il propose des termes alternatifs qui doivent se substituer aux autres acceptions : « géon », « aire », « territoire ». J. Lévy et M. Lussault estiment, quant à eux, qu’à l’heure de la mondialisation, toute approche régionale qui ne serait pas multiscalaire serait vouée à l’échec.

Cependant, l’abandon du mot « région » reviendrait à oublier le principal avantage de ce terme : celui d’être un mot du langage courant, facilement manipulable quand le « géon » peine à se diffuser dans la langue. De plus, réserver le terme à la région administrative semble également peu satisfaisant. L’exemple français de la réforme territoriale (2016) montre que le découpage des régions administratives, loin d’être figé, peut faire l’objet de redéfinitions rapides. Ensuite, il apparaît que les différentes acceptions du mot ne sont pas toujours aussi éloignées les unes des autres qu’il n’y paraît : la région Normandie enfin réunifiée présente l’évidence d’un espace approprié par ses habitants au point que nombre d’entre eux n’ont jamais vraiment fait la différence entre Haute et Basse-Normandie (Brennetot, De Ruffray, 2014).

Par ailleurs, si la mondialisation nous invite effectivement à considérer une nouvelle échelle globale, ainsi que les relations réticulaires entre ses différents lieux, l’individualisation d’étendues (la régionalisation) reste un mode d’écriture de la géographie (Clerc, 2012). Celui-ci permet par exemple de rendre compte du rôle toujours important de la proximité physique et des identités géographiques, que l’on pense à la fameuse Silicon Valley, à l’identité résurgente de certaines régions anciennes (Bretagne celte) ou encore au marketing territorial propre à certains terroirs (recréation de l’Aubrac).

BIBLIOGRAPHIE
LEVY, J et LUSSAULT, M, Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, BELIN, 2003, Paris.
BRUNET, R., FERRAS, R., THERY, H. Les mots de la géographie : dictionnaire critique, RECLUS 1992, Paris
CLERC, P. (dir.), Géographies, épistémologie et histoire des savoirs sur l’espace, SEDES-CNED, 2012
CLAVAL, P., Géographie régionale : de la région au territoire, A. COLIN U, 2006
BRENNETOT, A., et DE RUFFRAY, S., « La Région : une notion ambigüe saisie à travers le cas normand », L’Espace Politique, 23, 2014
BRENNETOT, A., et DE RUFFRAY, S., « Une nouvelle carte des régions françaises », Géoconfluence, 2015, http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/regions-francaises

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