Contexte
Ce mémoire a été rédigé en 2024 en vue de l’admission au CAFFA, et au DU formation de formateurs de personnels enseignants et éducatifs du 1er et du 2e degré, à l’université de Cergy. Il a été dirigé par Ariane Bach, formatrice en lettres.
Titre du mémoire
Former à l’aide en éducation pour contribuer à la professionnalisation des enseignants contractuels en histoire-géographie.

Les mots clés
- Accessibilité pédagogique : Elle découle de la conception universelle des apprentissages (CUA), qui propose de conduire les acteurs de l’école à porter le regard sur les obstacles aux savoirs afin de les lever (Ebersold, 2021). L’enseignant rend les apprentissages accessibles en déployant des pratiques et des savoir-faire professionnels. Il s’appuie sur des aides techniques, des gestes génériques à destination de tous les élèves, et des gestes spécifiques pour les élèves à besoins éducatifs particuliers (EBEP).
- Aide en éducation : La notion d’aide en éducation contribue à définir les actions complexes qui visent à améliorer les apprentissages individuels et collectifs. Elle est polysémique et s’envisage depuis les points de vue de l’élève, de l’enseignant et de l’institution scolaire. Longtemps pensée pour les élèves en difficultés ou à besoins éducatifs particuliers, la recherche s’oriente aujourd’hui vers un décloisonnement de l’aide. Véritable inversion de paradigme, elle est aujourd’hui proposée à tous les élèves dans le but de leur rendre un enseignement accessible (Viriot-Goeldel, 2020).
- École inclusive : Elle est différente structurellement et pédagogiquement de l’école ordinaire, car elle doit remplir la même mission mais en y intégrant les élèves à besoins spécifiques. Il s’agit de rendre l’École accessible sur les plans physiques, pédagogiques et curriculaires. Elle est porteuse de valeurs d’égalité, d’équité, de diversité et de qualité, relatives à l’inclusion scolaire, dont elle est la mise en action. « Il s’agit d’une école qui n’est pas indifférente aux différences » (Tremblay, 2020).
- Professionnalisation : En formation pour adultes, elle désigne la volonté de permettre à la personne de porter une réflexion approfondie sur ses apprentissages, et d’identifier les compétences professionnelles et leurs niveaux d’appropriation, selon les situations rencontrées. Elle vise à développer l’autonomie, l’auto-évaluation et la capacité à analyser sa pratique pour la faire évoluer (Jorro, 2016).
Résumé
En partant des difficultés des enseignants à mettre en activité les élèves, ce mémoire présente un stage conçu pour les enseignants contractuels en histoire-géographie. Ils sont confrontés à une forte mobilité géographique qui les isole de l’appui que constitue une intégration durable à une équipe pédagogique. Polyvalents, ils doivent prendre en compte l’hétérogénéité importante des publics qui leurs sont confiés.
L’objectif principal de la formation est de travailler la mise en activité de tous les élèves. L’aide en éducation contribue à leur rendre les apprentissages accessibles. L’approche est centrée sur l’activité enseignante à travers l’utilisation des sept familles d’aide proposées par Roland Goigoux, chercheur en sciences de l’éducation et professeur émérite à l’université de Clermont-Auvergne. Il a identifié sept verbes d’action pour aider les élèves (voir ci-dessous). Leur utilisation planifiée, combinée et régulière, donne à l’enseignant des solutions pour agir sur les apprentissages, et prendre en compte l’hétérogénéité des élèves.
A l’échelle d’une séance, les enseignants ont travaillé sur la planification de leur enseignement et l’utilisation des aides en relation avec la mise en activité des élèves. Les feedbacks sur les aides utilisées par les stagiaires, et celles qui ne le sont pas, sont essentiels afin de contribuer à leur professionnalisation et leur réflexivité.
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Cadre théorique
Le cadre théorique de ce mémoire s’attache à définir la relation d’aide en éducation dans sa polysémie. Il croise ensuite les regards entre les travaux de différents chercheurs, en dégageant les points communs et les différences, dans plusieurs publications issues de la recherche.
Roland Goigoux et son équipe ont mené une enquête auprès de formateurs de terrain sur les aides apportées aux élèves. Il a ensuite diffusé les sept familles d’aides lors de conférences auprès du public enseignant. Elles constituent donc un savoir d’expérience venu du terrain. Elles sont désignées par des verbes d’action se prêtant à un fort étayage : préparer, soutenir, exercer, compenser, faire autrement, réviser, revenir en arrière. Elles s’envisagent à travers les tâches d’enseignement, et sont mises en œuvre dans les différentes temporalités des apprentissages.
Plus récemment, Charlène Dunand et Sylviane Feuilladieu (2014) ont établi une typologie portant sur six natures de gestes d’aides. Trois sont mobilisés lors de la préparation des cours : aménagement du cadre de travail, des supports de cours et consignes écrites et du niveau de difficulté de la tâche. Trois sont mobilisés lors du travail en classe : consignes à l’oral de mise au travail, guidance en cours de réalisation de la tâche, réajustement de la démarche de travail et du niveau de difficulté en cours de réalisation de la tâche. Les travaux de Dunand et Feuilladieu nous amènent à relativiser fortement le cloisonnement entre les aides génériques et spécifiques. Si les gestes pris un à un peuvent être qualifiés de génériques ou spécifiques, c’est dans le contexte de la classe qu’ils prennent leur sens.
Enfin, Caroline Viriot-Goeldel (2020) a proposé une déclinaison des gestes d’aide employés par les enseignants dans le quotidien de la classe. Elle distingue comme aide : la présence de l’enseignant, la différenciation pédagogique, et enfin les dispositifs d’aide où sont adressés les élèves les plus en difficulté, ou à besoins éducatifs particuliers. Elle rappelle que la forme la plus ordinaire de l’aide en classe est la présence plus marquée de l’enseignant auprès des élèves qu’il souhaite aider. Elle prend la forme d’interactions verbales qui visent à réengager l’élève dans sa tâche ou de créer un moment d’échange lors de sa réalisation.
La demande d’aide des élèves est un processus social et sociocognitif qui fait appel à des interactions sociales. Le climat de classe, la socialisation de l’élève, ses relations avec ses pairs et l’enseignant, peuvent faciliter ou entraver les interactions. La figure de l’objectif de l’enseignant dans sa façon de faire travailler les élèves est déterminante. Dans cette perspective, la perception de celle-ci par les élèves est essentielle, les chercheurs anglo-saxons l’appellent la classroom goal structure. Cette notion, sans traduction adoptée par les chercheurs français, est au centre des recherches sur le demande d’aide, et renvoie aux objectifs privilégiés par l’enseignant au sein de sa classe.
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On distingue la « structure de la maîtrise » caractérisée par un environnement dans lequel l’enseignant met l’accent sur les efforts réalisés par l’élève, sur sa compréhension de la tâche, et valorise l’amélioration individuelle des performances. Les élèves ont une marge de manœuvre dans certains choix des activités, voire des objectifs d’apprentissage qu’ils peuvent se fixer. Les erreurs sont considérées comme faisant partie intégrante de l’apprentissage. Mais dans une classe dans laquelle les objectifs sont structurés autour de la performance, la référence à la norme domine, et organise la comparaison des élèves entre eux. La réussite y est alors définie comme le dépassement des autres. La « structure de la performance » contribue alors à renforcer les inégalités dans la classe. Elle inhibe la demande d’aide des élèves qui perçoivent que l’objectif d’apprentissage fixé par l’enseignant ne leur est pas adressé.
Une piste d’exploitation pédagogique
Un outil pour accompagner la rédaction des écrits longs en histoire en 3e.
Ce document imprimé et distribué aux élèves peut être mobilisé comme aide de différentes façons par l’enseignant. C’est un exemple d’outil au service d’une pédagogie de la maîtrise.
- SOUTENIR : Pendant la préparation au brouillon, il sert d’étayage à l’élève en lui permettant de se remémorer et de mobiliser les éléments attendus dans un développement construit. Les élèves peuvent surligner ce qu’ils ont réussi à faire.
- RÉVISER : Collé dans le cahier, il sert de support afin de réviser la méthode et de préparer une évaluation.
- COMPENSER : Il peut être distribué uniquement aux élèves à besoins éducatifs particuliers (EBEP) en fonction des besoins identifiés afin de leur permettre d’atteindre l’objectif d’apprentissage.
- REVENIR EN ARRIÈRE : Lors de la restitution d’une copie, il peut être distribué aux élèves afin qu’ils relisent leur copie corrigée. Ils peuvent surligner d’une couleur ce qu’ils ont réussi, et d’une autre, les objectifs qu’ils pensent pouvoir atteindre lors de la prochaine évaluation.
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Et ensuite ?
Ce travail issu d’une longue réflexion personnelle et professionnelle menée sur les pédagogies inclusives et la notion d’accessibilité, se poursuit par un mémoire de master MEEF de formation de formateurs d’enseignants (FFE), mention « pratiques et ingénierie de la formation » (PIF) à l’université de Cergy. Ma recherche porte sur l’accessibilité pédagogique dans la formation des jeunes enseignants d’histoire-géographie.
Bibliographie
Dunand, C., Feuilladieu, S., (2014). Les aides pédagogiques aux élèves à besoins éducatifs particuliers pratiques génériques ou spécifiques ? La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, 65, 113-126.
Ebersold, S., (2021). Contours et enjeux de l’accessibilité. Dans S. Ebersold, L’accessibilité ou la réinvention de l’école (p. 1-15). Iste Éditions.
Jorro, A., (2016). De l’évaluation à la reconnaissance professionnelle en formation. Revue française de pédagogie, 190, 41-50.
Tremblay, P. (2020). École inclusive. Conditions et applications. L’Harmattan.
Viriot-Goeldel, C. (2020). La notion d’aide. Dans C. Pélissier (dir.), Notion d’aide en éducation (p. 7-25). Iste Éditions.
Pour aller plus loin sur le thème de l’accessibilité pédagogique
Chrysta Pélissier est maîtresse de conférence-HDR en sciences du langage et sciences de l’éducation à l’université Paul Valéry de Montpellier. Elle a coordonné l’ouvrage Notion d’aide en éducation, Iste Éditions, 2020.
Un compte-rendu de l’ouvrage est disponible ici : https://journals.openedition.org/rfsic/11454?lang=en
Anne Gombert est maîtresse de conférence en psychologie cognitive et de l’éducation à l’INSPE d’Aix-Marseille. Ses recherches portent sur les pédagogies inclusives, et en particulier sur l’accessibilité pédagogique.
Cette vidéo publiée sur le site de l’Institut français de l’éducation (IFE), résume la démarche de d’accessibilité pédagogique, ainsi que les enjeux pédagogique et didactiques qui en découlent.
Serge Ebersold est titulaire de la chaire Accessibilité du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ses travaux font référence sur le sujet. Il a coordonné l’ouvrage de synthèse, L’accessibilité pédagogique ou la réinvention de l’école, Iste Éditions, 2020.
On trouvera un résumé de ses travaux dans sa leçon inaugurale « L’accessibilité ou la solidarité réinventée » (6 mars 2017).