Thèse : Recherches sur les façades dans l’architecture domestique de l’Italie romaine (IIe s. av. J.-C. - IIe s. ap. J.-C.)

, par Lorraine Garnier

Lorraine Garnier, Recherches sur les façades dans l’architecture domestique de l’Italie romaine (IIe s. av. J.-C. - IIe s. ap. J.-C.), Thèse de doctorat en archéologie, 2015, Aix-Marseille Université, dir. Xavier Lafon et Fabrizio Pesando, Institut de Recherche sur l’Architecture Antique (IRAA, USR 3155).

Mots clés

  • Architecture domestique romaine  : habitat, architecture résidentielle, relevant de la sphère du « privé » (dont l’extension dans le monde romain n’est pas la même qu’aujourd’hui : dans la demeure romaine, du moins celle des catégories supérieures de la société, les chevauchements sont fréquents entre ce qui relève du domaine public et ce qui n’en relève pas selon les conceptions juridiques et les représentations actuelles).
  • Maison  : habitation urbaine unifamiliale.
  • Villa : construction définie par une implantation extra-urbaine mais aussi par une certaine extension, une qualité de la construction et de la décoration, ainsi que par la présence d’espaces dédiés au séjour et à la réception qui confèrent à la fonction résidentielle un caractère dominant (mais non exclusif).
  • Façade : au sens large, mur extérieur d’un bâtiment ; souvent, face majeure de ce bâtiment, qui comporte normalement l’entrée principale et prend une importance particulière quand ce mur fait l’objet d’un traitement architectural et/ou décoratif spécifique.

Résumé

La recherche vise à replacer la façade, face majeure d’une habitation, au cœur d’un discours sur l’architecture domestique romaine – lequel a souvent délaissé cet espace. L’étude se focalise sur l’Italie centro-méridionale entre le IIe s. av. J.-C. et le IIe s. ap. J.-C. mais propose également une incursion en Italie du nord. Elle porte sur un corpus constitué de villas de plaisance et de maisons construites sur les remparts de certaines cités littorales : elle s’intéresse donc à une architecture domestique appartenant aux catégories supérieures de la société. L’objectif est de comprendre la place et le rôle de la façade dans la conception de l’espace domestique et de son rapport avec l’extérieur. Trois types de sources sont envisagés : les sources archéologiques, base du travail, les sources écrites, les sources iconographiques. Trois angles d’analyse principaux sont développés : ils définissent une approche à la fois architecturale, spatiale et sémiologique, menée dans une perspective diachronique. Il s’agit en effet d’étudier les conditions et les modalités du développement d’une « architecture de façade » dans la construction domestique et d’en analyser les formes, les significations, les évolutions. Les trois premiers chapitres sont ainsi consacrés aux façades des villas, étudiées dans le cadre d’une périodisation en trois temps. Un quatrième chapitre traite du cas des maisons urbaines de front de mer, qui présentent l’intérêt de posséder deux façades opposées, l’une vers la ville et l’autre vers l’extérieur de la cité : ces domus sont envisagées de manière synchronique, dans leurs rapports à la fois avec l’architecture de villa et l’architecture domestique urbaine.

Lien(s) avec les programmes scolaires

  • Histoire 6ème : Thème 3. L’empire romain dans le monde antique – Conquêtes, paix romaine et romanisation.
  • Histoire 2nde : Chapitre 1. La Méditerranée antique : les empreintes grecques et romaines.

Document : la maison romaine

Le livre VI du De architectura de Vitruve fournit l’essentiel du vocabulaire et des définitions structurelles qui permettent de caractériser la maison urbaine romaine (la domus). Le texte de Vitruve énumère les composantes principales de la domus et définit leurs caractéristiques structurelles et fonctionnelles : il représente donc une source essentielle pour la compréhension de l’architecture de la maison. Il ne faut cependant pas faire du schéma vitruvien un modèle absolu : la domus présentée par le De Architectura s’apparente davantage à un ensemble de préceptes et de normes (conçus d’abord pour les catégories fortunées de la population) pour lesquels de nombreuses variantes sont possibles qu’à un modèle concret et immuable

  • Le vestibulum est un espace qui donne accès à l’habitation. Il constitue une zone de transition entre la rue et la maison, qui n’existe que pour des domus d’une certaine importance.
  • L’atrium est le cœur de la maison ; il a une fonction centralisatrice et organisatrice. Sorte de cour intérieure, il présente une ouverture dans la toiture (compluvium) permettant l’entrée de l’air, de la lumière et des eaux pluviales, à laquelle correspond au sol un impluvium, un bassin de recueillement des eaux, relié à une citerne. L’atrium a donc une fonction pratique. Mais il a aussi une fonction ostentatoire : c’est dans cet espace que les familles aristocratiques exposent les portraits des ancêtres (imagines maiorum), qui matérialisent l’ancienneté de la famille. C’est aussi souvent là que se trouve l’autel des divinités protectrices du foyer, auxquelles on rend un culte.
  • Le tablinum est généralement placé dans l’axe de l’atrium, face à l’entrée. Le nom de cette pièce aurait pour origine étymologique le mot tabulae, c’est à dire les tablettes de cire où les propriétaires de la domus enregistraient leurs activités publiques ou leurs transactions financières. Le tablinum est donc une salle de travail, une sorte de bureau pour le maître de maison. C’est aussi une pièce où il peut recevoir des visiteurs qui viennent le solliciter.
  • Le cubiculum est une petite pièce servant de chambre à coucher.
  • Le triclinium constitue chez Vitruve une des composantes essentielles de la maison traditionnelle. Le mot triclinium est formé de l’adjectif numérique 3 et de la dérivation d’un mot grec qui signifie lit de table (une kliné / des klinai). Littéralement le mot triclinium désigne donc un lit de table à trois places. Par extension ce mot a ensuite été attribué à la pièce où ces lits sont disposés, au nombre de trois eux aussi. Le triclinium correspond à l’habitude de dîner « à la grecque », couchés sur des lits de table. Il se présente comme une salle rectangulaire, munie sur trois côtés de lits de table qui forment comme une banquette en U.
  • Le péristyle est un espace ouvert entouré d’une colonnade : l’espace central est découvert, il accueille généralement un jardin, des bassins, des fontaines ; l’espace situé en arrière de la colonnade se présente comme une galerie couverte et constitue une sorte de promenoir autour de l’espace central.
  • L’oecus est un salon, une salle de réception souvent associée au péristyle.
  • La maison comporte également des pièces de service : cuisine, latrines, bains…
  • La Maison de Trebius Valens à Pompéi est souvent considérée comme un exemple représentatif de la domus « traditionnelle » et rapprochée du texte de Vitruve. Les villes romaines de l’empire offrent de nombreux exemples de maisons qui, au-delà de la variété des solutions planimétriques adoptées, comportent ces mêmes types de pièces : Narbonne, Vaison-la-Romaine, Saint-Romain-en-Gal en Narbonnaise, Italica en Espagne, Volubilis, Utique en Afrique du nord, pour n’en citer que quelques-unes. La diffusion de la grande domus dans les provinces de l’empire, allant de pair avec l’urbanisation, peut ainsi apparaître comme l’un des marqueurs de la romanisation.

Figure  : plan et coupe restitués de la maison de Trebius Valens à Pompéi, d’après J.-¨P. Adam.

Références bibliographiques

Une source majeure sur l’architecture domestique romaine : le De architectura de Vitruve, un traité d’architecture en dix livres, écrit dans la deuxième moitié du Ier s. av. J.-C. Il s’agit de la principale source normative et théorique sur l’architecture de l’Antiquité. L’ouvrage traite principalement d’architecture publique et privée (mais aussi d’urbanisme, d’hydraulique ou de mécanique militaire), dans une perspective à la fois pratique, théorique et normative : à ce titre, il présente avant tout des constantes fondamentales de l’architecture, ce qui fait qu’il peut y avoir un décalage avec la réalité de la pratique architecturale contemporaine.

Références en français :

  • P. Gros, L’architecture romaine du début du IIIe siècle av. J.-C. à la fin du Haut-Empire. 2, Maisons, palais, villas et tombeaux, Paris, Picard, 2006.
  • J.-P. Guilhembet, Habitavi in oculis (Cic. Planc. 66). Recherches sur les résidences urbaines des classes dirigeantes romaines des Gracques à Auguste : la maison dans la Ville, Thèse de doctorat, soutenue à l’Université de Provence. Faculté des lettres et sciences humaines, 1995.
  • R. Helg, « La transformation des façades : quelques pistes de lecture, de Pompéi à Herculanum », dans J.-P. Petit, S. Santoro Bianchi (éd.), Vivre en Europe romaine : de Pompéi à Bliesbruck-Reinheim, Paris, Errance, 2007, p. 98-99.
  • X. Lafon, Villa maritima. Recherches sur les villas littorales de l’Italie romaine (IIIe siècle av. J. -C. / IIIe siècle ap. J.-C.), Rome, École française de Rome, 2001.
  • D. Scagliarini Corlàita, « De Pompéi à Ostie : naissance de la façade », dans J.-P. Petit, S. Santoro Bianchi (éd.), Vivre en Europe romaine : de Pompéi à Bliesbruck-Reinheim, Paris, Errance, 2007, p. 95-101.
  • Y. Thébert, « Vie privée et architecture domestique en Afrique romaine », dans P. Ariès, G. Duby, P. Veyne (éd.), Histoire de la vie privée. Tome 1, De l’Empire romain à l’an mil, Paris, Seuil, 1985, p. 301-398.

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