CAFFA. « L’intervision pour la professionnalisation des enseignants : un dispositif d’analyse de pratique réflexive ? »

, par Philippine Minvielle

Philippine Minvielle, « L’intervision pour la professionnalisation des enseignants : un dispositif d’analyse de pratique réflexive ? », 2022

 

Contexte

J’ai soutenu mon mémoire de CAFFA en 2022 dans le cadre d’une validation des acquis d’expérience suite à un Master MEEF de formateurs d’enseignants 1 er et 2d degrés obtenu à l’Université de Cergy en 2018. Les deux années de Master à Cergy m’ont permis d’engager une réflexion sur la formation des enseignants dans une dynamique transversale et multi catégorielle. Cette réflexion s’inscrivait alors également dans un désir de réflexivité sur mes propres pratiques enseignantes après 15 ans d’expérience enseignante.
 

Mots clés

  • Analyse de pratiques
  • Réflexivité
  • Observation mutuelle
     

Démarche de recherche

Mon mémoire s’appuie sur l’analyse d’un corpus constitué de 8 séances de restitution (ou feed back) de 7 professeurs d’Histoire-Géographie d’un lycée de l’Académie de Versailles qui ont accepté de participer au projet d’intervision que j’ai mis en place. Il s’agissait pour eux de former des binômes pour aller observer mutuellement leurs gestes professionnels dans leurs classes respectives à l’occasion d’une séance puis dans un deuxième temps de se faire une restitution mutuelle à laquelle j’assistais (d’où les 8 séances de restitution).

 

Cadre théorique

Ce dispositif d’Intervision s’inscrit plus largement dans le champ de l’analyse de pratiques réflexives qui a été travaillé par Perrenoud à partir du modèle du praticien réflexif élaboré par Schön. L’analyse de pratiques vise à la « (trans)formation des personnes [par] une « discipline d’action » faiblement normalisée ». En tant que dispositif d’analyse de pratiques, l’intervision apparait comme un outil permettant par l’observation d’un pair d’élargir son répertoire de situations professionnelles et de désidéaliser ainsi la figure unique de l’enseignant. Cette méthode permet aussi à l’enseignant d’engager une réflexion sur l’action et par la réflexivité de remettre en question certains « habitus » et envisager de nouvelles pratiques.
 

Principales conclusions

Proposé à une équipe d’enseignants confirmés, le dispositif d’expérimentation d’intervision a été l’occasion pour eux d’échanger sur des questions didactiques et aussi d’avancer dans la réflexivité en engageant a posteriori une réflexion sur l’action et les gestes professionnels de chacun. D’après leurs retours, bien que parfois un peu déstabilisante, l’expérience menée entre pairs s’est révélée positive et leur a permis de faire « bouger les lignes » en leur donnant envie de tester de nouvelles modalités observées chez les collègues. Pour être encore plus opérante et permettre le développement d’un collectif apprenant il aurait fallu pouvoir prolonger l’expérimentation sur une plus longue période.
 

Document à la Une

Extrait du corpus : bilan à chaud d’une séance de restitution.
L’enseignante, Julie, revient sur une séance d’élaboration d’une légende d’un croquis en classe de première. Elle a choisi de faire travailler ses élèves par groupe.

Lors de la phase de restitution avec le pair qui est venu l’observé, l’enseignante revient sur le dispositif qu’elle a choisi pour faire travailler ses élèves. En choisissant de les faire travailler par groupe, elle explicite le lien entre sa posture de lâcher prise où elle a mis en activité ses élèves en autonomie et la posture des élèves qui ont été efficaces et ont pu rentrer dans une posture seconde et comprendre le sens de l’activité. Elle permet ainsi de favoriser les sentiments d’autonomie et de proximité sociale des élèves qui sont deux des trois leviers essentiels à satisfaire pour une motivation intrinsèque de qualité chez les élèves (avec le sentiment de compétence). La phase de feed-back permet donc à l’enseignant de revenir sur l’action en verbalisant la pertinence de ses choix pédagogiques.

 

Perspectives

Ce travail m’a permis d’enrichir mon expérience de formatrice au sein du groupe Pédagogie et Apprentissage de l’Académie de Versailles pour lequel j’interviens dans l’animation de FIL sur la motivation des élèves, l’évaluation, la différenciation... Les FIL ont en effet montré leur efficacité pour engager un processus de changement des enseignants tant en transversal qu’en disciplinaire pour redynamiser les équipes et leur offrir un accompagnement de proximité et de qualité pour se professionnaliser. L’intervision permettrait donc de compléter l’offre de formation qui existe déjà à l’attention des néo-titulaires et des jeunes professeurs de l’Académie en permettant à des enseignants désireux d’analyser leurs pratiques de s’inscrire dans un dispositif souple bien qu’encadré. L’avantage de ce dispositif entre pairs en dehors de tout cadre hiérarchique permettrait de répondre, il me semble, à un désir des enseignants de faire évoluer leur pratique de manière autonome et responsable sur des objets peut-être moins didactiques que pédagogiques mais tout autant essentiels pour agir sur la motivation et le travail des élèves : le climat de classe, la place et la nature du travail des élèves, le statut de l’erreur et le feed-back de l’enseignant, l’entrainement à la mémorisation chez les élèves. Il me semble également que s’inscrire à plusieurs collègues dans une FIL établissement permettrait également d’initier de nouvelles dynamiques de travail en équipe.

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